Danse orientale "Raqs Sharqi"

 

 

Article danse orientale 3

Les origines...

Les origines de la danse orientale sont incertaines et son histoire est entourée d’ombre sur bien des points.
Il est fort probable néanmoins que ses racines plongent dans les anciennes danses de fertilité liées aux cultes des déesses. En Orient où l’on célébrait des déesses-mères comme Isis ou Ishtar, les danses féminines se caractérisaient par des balancements et des rotations de bassin. Ces mouvements étaient censés favoriser la fécondité de la femme et la régénération de la nature. Les femmes les pratiquaient dans les rites d’initiation de la puberté, dans les cérémonies du mariage, dans les temples en l’honneur des déesses de la nature, du foyer, de la maternité, de l’amour.
Avec le temps, les cultes matriarcaux s’éteignirent. En perdant leur signification religieuse, les danses féminines se transformèrent-elles en une activité profane ?

 

 

 

 

article 2Les Tziganes et les "Ghawazee" :

Nul ne peut dire comment s’est faite l’évolution des antiques danses de fécondité en danse orientale.
Ce qui est sûr, c’est que la danse orientale garde la trace des tribus « tziganes ».
Dans les villages égyptiens, une danseuse professionnelle s’appelle une ghaziya, au pluriel, ghawazee. En égyptien, ce terme veut dire envahisseur ou étranger. A l’origine, les ghawazee étaient des « tziganes ».
Tous les « tziganes » du monde viennent d’Inde. Leur langue était le romani, dérivé de l’hindoustani. Dans l’oasis de Fayyum dans le delta du Nil, il se trouve encore des tribus « tziganes » qui ne parlent pas l’arabe et ne pratiquent pas l’islam. Certains pensent qu’ils se sont installés en Egypte au IXe ou Xe siècle, d’autres au XVe.
Là où les « tziganes » se fixaient, ils assimilaient les traditions locales, s’appropriaient les danses et les musiques, en faisaient leur moyen d’existence.
Les ghawazee dansaient en agitant librement n’importe quelle partie du corps, bougeaient chaque muscle de la plus violente et la plus rapide manière, frémissaient de la tête aux pieds comme électrifiées.

 

article danse orientale 5Le terme "Raqasa"...

Les danseuses professionnelles dans les villages égyptiens sont aussi appelées « raqasa », du mot « raqs », danse,  et     « sharqi », orient. Ce terme est aussi une insulte. La danseuse orientale a toujours eu deux visages, celui de la femme réprouvée, celui de la femme admirée pour son art. La femme réprouvée était celle qui dansait dans les rues et pour les hommes, qui suivait les armées, la femme admirée celle qui pratiquait son art dans les palais et les maisons pour les femmes, qui portaient le voile et observaient un comportement pudique en public. On les appelait les almées, de l’arabe, aluma (savant). Les almées jouissaient en Égypte d'un rang élevé dû à leur origine antique. Certains voyaient en elles les descendantes des prêtresses d'Isis.
Jusqu’au XIXe, il semblerait qu’elles aient constitué une classe à part. Elles s'instruisaient les unes les autres, perpétuaient les formes antiques et classiques de la musique, du chant et de la danse, connaissaient une grande variété de récits historiques et héroïques, maîtrisaient plusieurs instruments, savaient improviser et tenir une conversation élevée. Elles étaient aussi guérisseuse et sage-femme.
Elles seules étaient appelées dans les harems pour instruire et divertir les femmes des riches seigneurs. Le maître de maison et ses invités les écoutaient chanter, poétiser ou jouer de la musique depuis une autre pièce de la maison.

 

 
1893... 1960...

En 1893 eut lieu à Chicago une exposition universelle. Les danses exécutées par Fahreda Mahzar qui venait de Syrie furent le clou de l’exposition. Elle se fit connaître sous le nom de « petite Égypte ». Elle s’étendait à terre, posait deux verres à moitié pleins sur son ventre et les faisait tinter l’un contre l’autre au rythme de la musique.


Les danseuses n’ont laissé aucun écrit exceptée une, Armen Ohanian, au début du XXe.article danse orientale 6Elle venait d’une famille arménienne aisée, était éduquée. L’aspect mercantile et l’influence naissante des modes occidentales autour de son art lui fit perdre tout amour pour la danse : « un soir au Caire, je vis d’un œil malheureux et incrédule l’une de nos danses les plus sacrées se dégrader en une horrible bestialité. C’était notre poème du mystère et de la douleur de l’enfantement. Dans l’ancienne Asie, qui a conservé à la danse sa pureté originelle, elle représente la maternité, la conception mystérieuse de la vie, la souffrance et la joie avec lesquelles une nouvelle âme est mise au monde… mais l’esprit de l’occident a touché cette danse sacrée et elle est devenue la danse du ventre. J’ai entendu les maigres européennes s’en moquer, j’ai même vu des sourires lascifs sur les lèvres des Asiatiques, et je me suis enfuie »


article danse orientale 7L’esprit de l’occident avait touché la danse orientale et ne devait cesser de le faire.
S’inspirant des cabarets européens, pour répondre à la demande d’un public colonial, l’actrice et danseuse syrienne Badia Masabni créa au Caire en 1926 le premier cabaret égyptien, le Casino Opéra.
Le numéro le plus attendu dans le cabaret de Badia était la danse en solo des femmes. La forme traditionnelle de cette danse en solo était connue au début du XXe sous le nom de raks al baladi. Le mot Baladi vient de balad, le pays.
Le baladi serait né de la fusion entre les musiques populaires rurales et les musiques populaires urbaines sous l’effet de l’exode rural.
C’est de cette forme traditionnelle du solo féminin appelée baladi que serait né le sharqi, la danse orientale développée dans le cabaret de Badia dans les années trente. Pour ce nouveau style de danse qui mêlait les éléments terriens du baladi, énergiques du ghawazee, raffinés et aériens du ballet classique, Badia créa le costume deux pièces inspiré du costume de la vamp, personnage de femme fatale créé au début du XXe en Occident.
Les deux danseuses les plus célèbres formées par Badia furent Samia Gamal et Tahia Carioca.
Elles ont marqué la danse orientale et le cinéma égyptien à son âge d’or entre 1930 et 1960.
Tahia Carioca tenait le premier rôle dans la troupe de Badia. Son style délicatement sensuel avait le côté lourd et terrien du baladi.
Samia Gamal fut sans conteste la danseuse de l’âge d’or du cinéma égyptien. Elle serait la première à avoir introduit les arabesques et la manipulation du voile dans la danse orientale. En 1949, le roi Farouck la proclama « danseuse nationale d’Egypte ».

 

 

aricle3L'évolution dans la danse orientale...


Quand prit fin l’âge d’or du cinéma égyptien dans les années 60, il n’y eut plus que les restaurants et les boîtes de nuit pour assister à un spectacle de danse orientale. Des artistes comme Nagoua Fouad, Mona said, Sohair zaki et Fifi Abdo y firent leur carrière dans les années 70 jusque dans les années 2000. Soher Zaki fut la première à danser sur une chanson d’Oum kalsoum. Nagoua Fouad y créa de véritables shows à l’américaine avec des orchestres de plus de cinquante musiciens mêlant instruments arabes et instruments occidentaux comme les cuivres, les contrebasses et violoncelles. Fifi Abdo qui pouvait trembler pendant un temps indéfini était appelée la reine de la danse orientale.
Depuis une vingtaine d’années, la danse orientale ne cesse d’évoluer, de multiplier les innovations, de fusionner avec les musiques du monde. On la trouve danser avec toutes sortes d’accessoire, le voile simple ou double, la canne ou le sabre, l’éventail espagnol ou chinois. La manipulation de voile léger et transparent était une création des danseuses occidentales de danse orientale de la fin du XIXe.

 

La danse orientale et la fusion...

articleLa danse orientale est aujourd’hui une des danses les plus dansées au monde en raison de son accessibilité et de son caractère essentiellement joyeux.
Aux Etats Unis au début du XX siècle, inspirées par l’orient et la Grèce antique, Ruth st Denis, Loïe Fuller et Isadora Duncan ont révolutionné la danse en privilégiant chacune à leur manière la libre expression des mouvements du corps, l’improvisation et l’émotion, en réhabilitant la beauté et la sainteté du corps. Fondatrice de la danse moderne, Ruth St Denis créa un ballet appelé Egypta où les danses mettaient l’accent sur la dimension spirituelle et exploraient le concept de déité féminine. Pour cette femme qui fit découvrir la danse orientale à l’Amérique, danser, c’était prier. Elle fonda en 1915 en Californie l’école denishawn qui forma Martha Graham entre autres chorégraphes.
C’est aussi de Californie dans les années 70 qu’est née la danse tribale, aussi appelée danse tribale américaine ou ATS. Ce style fut créé par Jamila Salimpour dont la troupe s’appelait Bal-Anat, « danse de la déesse-mère ». Il renoue avec l’aspect collectif des danses ghawazee et traditionnelles et se compose de deux caractéristiques majeures : d'une part, l'emploi de mouvements issus des danses traditionnelles orientales et tziganes au sens large, et d'autre part des costumes faits à la main et constitués d'éléments traditionnels de différentes cultures.
Le cabaret a disparu, la danse orientale vit aujourd’hui sur les scènes de théâtre dans toutes ses formes, évolue entre tradition et modernité. Elle est le fruit de multiples influences.